La Thaïlande qui compte plus de 30.000 temples bouddhistes Theravada, abrite aussi quelques temples chinois assez exceptionnels.
Bangkok, grâce à sa riche histoire, abrite un nombre conséquent de temples et sanctuaires chinois, qu’ils soient d’obédience bouddhistes Mahayana, taoïstes, confucéennes, ou un peu des trois.
A l’instar de l’hindouisme, il s’agit en effet de l’une des particularités de la pensée chinoise que de mélanger sans peine les croyances et les divinités.
Une divinité n’est pas un dieu, dans le sens chrétien du terme. Pour les Chinois, une divinité est un être d’une importance particulière méritant un culte pour que ses enseignements perdurent.
Il n’y donc aucun conflit d’intérêt à vénérer tout à la fois Guanyu, Bouddha, Guanyin ou Confucius.
La grande majorité des Chinois sont arrivés en Thaïlande entre le 18ème siècle et les années 1930.
La situation des temples suit ainsi le développement de la ville, d’abord à Thonburi et près du fleuve, puis à Sampeng (Chinatown) et Charoen Krung Road, avant de s’étendre à d’autres quartiers de la ville après la seconde guerre mondiale.
Si cette diaspora chinoise a su parfaitement s’intégrer à la vie sociale thaïlandaise et prospérer dans les affaires, ils ont également su faire perdurer leurs traditions et les transmettre aux nouvelles générations qui continuent d’entretenir ces lieux de cultes.
A Bangkok, on dénombre ainsi une centaine de temples et sanctuaires chinois! Certains sont minuscules mais au poids spirituel immense, d’autres sont majestueux et inconnus des routes touristiques.
Les plus grandioses
Les trois temples les plus impressionnants sont récents et du courant bouddhiste Mahayana.
Wat Leng Noei Yi 2 (วัดเล่งเน่ยยี่2)
Le plus monumental se trouve au nord de Bangkok. Terminé en 2008, il est connu sous le nom de Wat Leng Noei Yi 2 (วัดเล่งเน่ยยี่2) car il est l’œuvre de l’abbé principal du temple Wat Leng Noei Yi à Chinatown.
Jugeant le temple originel trop étroit, il entreprit la construction d’un nouveau monastère pour ses disciples en périphérie de la ville. Le résultat est frappant, peut-être le plus beau temple chinois d’Asie du Sud-est, tant par la splendeur des décorations que par la taille du complexe.
Wat Poe Man Khunaram (วัดโพธิ์แมนคุณาราม)
Autre temple absolument remarquable, Wat Poe Man Khunaram (วัดโพธิ์แมนคุณาราม) est situé près de l’avenue Rama 3.
Construit en 1959, il est le siège du courant bouddhiste Mahayana dans le royaume. Son architecture est un mélange d’influences chinoises, thaïes et tibétaines.
Tamnak Chao Mae Kuan-Im (ตำหนักเจ้าแม่กวนอิม)
Situé dans les recoins du quartier Ladprao, Tamnak Chao Mae Kuan-Im (ตำหนักเจ้าแม่กวนอิม) est un endroit secret et hors du temps.
Ce vaste temple Mahayana abrite entre autres une pagode de 50 mètres de haut et un vaste parc de sculptures en marbres.
En traversant la rue, on arrive dans une autre partie du temple où s’y trouvent un sanctuaire monumental dédié à Guanyin, de nombreuses représentations de Bouddha et de divinités chinoises, ainsi qu’une salle de méditation dont la force spirituelle se ressent dès qu’on franchit la porte.
Autre particularité de ce temple, il est tenu uniquement par des nonnes. Ceux souhaitant par ailleurs venir y séjourner ou méditer doivent impérativement être végan.
Les plus populaires
Certains sanctuaires sont extrêmement populaires, attirant chaque jour des Thaïlandais bien au-delà de la communauté sino-thaïe. C’est le cas du San Chao Pho Suea (ศาลเจ้าพ่อเสือ), seul sanctuaire taoïste présent sur l’île historique de Rattanakosin, le cœur de Bangkok.
Via son nom (sanctuaire du dieu tigre), la tradition populaire veut qu’il soit voué à un tigre doté du pouvoir de bonne fortune. En réalité, il est dédié en premier lieu à la divinité Xuan Wu, le tigre étant son assistant qui lui a volé la vedette.
Wat Mongkon Kalamawat (วัดมังกรกมลาวาส), aussi connu comme Wat Leng Noei Yi, est la première version du temple bouddhiste du même nom précédemment évoqué. Situé en plein cœur de Chinatown, il accueille plusieurs centaines de fidèles chaque jour.
Lié à la fondation Poh Teck Tung, le sanctuaire San Chao Tai Hong Kong (ศาลเจ้าไต้ฮงกง), juste derrière le Wat Leng Noei Yi, est un autre sanctuaire populaire, dédié au Grand Maître Song Dafeng.
Les plus anciens
Il semble y avoir débat sur le plus vieux sanctuaire chinois de Bangkok. Selon la plaque informative devant l’édifice, il s’agirait du Leng Buai Ia shrine (ศาลเจ้าเล่งบ๊วยเอี๊ยะ), datant de 1658 mais dont la forme et les divinités représentés ont peut-être évolué au fil du temps.
Selon la chercheuse Chuimei Ho, il s’agirait plutôt d’un magnifique sanctuaire dédié à Guanyu (Guandi), situé au bord du fleuve (ศาลเจ้ากวนอู คลองสาน). Etabli au milieu du 18ème siècle, il contient trois précieuses effigies de Guanyu, la plus ancienne étant arrivée depuis la Chine en 1736.
Les fondations
Les sanctuaires sont des lieux importants pour la vie sociale des sino-thaïs. Certains sont gérés par un groupe formé à partir du voisinage, de commerçants ou par une riche famille, d’autres à partir d’associations liés à la langue ou encore par des œuvres et fondations caritatives.
Parmi ce dernier groupe, mentionnons la Fondation Thian Fah et son célèbre sanctuaire dédié à Guanyin au début de l’avenue Yaowarat, ou encore la fondation Poh Teck Tung déjà mentionné.
Autre organisation, au nom très confucéen, la fondation Jee Jin pour l’enseignement de la morale possède une belle pagode au bord du Chao Phraya et un sanctuaire valant le détour. (Jee Jin foundation for the Moral Teachings)
Les associations de langue chinoise
Parmi les associations de langue chinoise présentes en Thaïlande, chacune contrôle un ou plusieurs sanctuaires. Ainsi, les Chinois Teochiew, formant la majorité des sino-thaï, en ont bâti plusieurs dont San Chao Mae Pradu (ศาลเจ้าแม่ประดู่), en plein cœur du marché de Sampeng.
Outre le siège de leur association près de Sathorn Road, les Teochiew gèrent le splendide Rongjai Bunsamakhon (โรงเจ บุญสมาคม), hall végétarien et sanctuaire en l’honneur de Doumu, lieu bouillonnant de vie au moment du festival végétarien.
Les chinois Hokkien se regroupent au San Chao Cho Su Kong (ศาลเจ้าโจวซือกง), dédié à Qingshui. Situé au bord du fleuve, c’est un endroit magique une fois la nuit tombée. Autre sanctuaire Hokkien, Kian Ung Keng (ศาลเจ้าเกียนอันเกง) est bien dissimulé. Il se situe à côté du temple Wat Kalayanamitr.
Deux sanctuaires sont principalement associés aux Chinois Hakka: l’imposant Lee Thi Miew Shrine (ศาลเจ้าหลีตี๊เมี้ยว), en l’honneur de la divinité Lu Dongbin, ainsi que San Chao Guan Yu (ศาลเจ้ากวนอู), autre sanctuaire à Sampeng dédié à Guanyu et son fidèle cheval.
Bien qu’ils soient peu nombreux, les sino-thaï parlant cantonais ont une fondation et un magnifique sanctuaire nommé San Chao Kwang Tung (ศาลเจ้ากวางตุ้ง), seul lieu de culte à Chinatown où Confucius se démarque.
Quant aux sino-thaï originaires de l’île de Hainan, leur sanctuaire dédié à la divinité Mazu, San Chai Tai Hua (ศาลเจ้าไทฮั้ว), il se trouve près de la gare Hua Lamphong.
Les secrets et les insolites
Certains de ces sanctuaires se méritent. Ainsi, le modeste San Chao Yi Ko Hong (ศาลเจ้ายี่กอฮง) est dressé sur la terrasse d’un immeuble, plus précisément au-dessus du commissariat jouxtant la fondation Poh Teck Tung. Pour s’y recueillir, pas d’autres choix que passer par l’escalier de la police.
Le petit sanctuaire taoïste San Chao Tai Sia Hok Jow (ศาลเจ้าไต้เซี้ยฮุกโจ้ว), derrière le Wat Traimit, est sans doute le plus surprenant car il met en scène la divinité Sun Wukong, autrement dit le roi des singes.
D’autres joyaux sont bien dissimulés dans des rues minuscules, tel le temple bouddhiste Wat Bamphen Chin Prot (วัดบำเพ็ญจีนพรต) dans le soi numéro 8 de la rue Yaowarat. Une fois entré dans ce lieu sans pareil aux contours jaunâtres, avec ses moines psalmodiant et son Bouddha joufflu souriant, on se dit qu’on a bien fait de lire cet article jusqu’au bout.