La présence policière était plutôt discrète dans le quartier de Ratchaprasong de Bangkok, où les “chemises rouges” du Front uni pour la démocratie contre la dictature (UDD) se sont rassemblés pour marquer le quatrième mois écoulé depuis l’évacuation par la police et l’armée de leur campement dans le centre-ville de Bangkok.

Pour un peu on se serait cru de nouveau au mois d’avril dernier, mais cette fois l’ambiance était nettement moins joviale et plutôt empreinte d’une certaine gravité.

Hommage aux membres des "chemises rouges" tués au cours de la journée du 19 mai

La foule nombreuse des “chemises rouges” a une nouvelle fois envahi le centre de Bangkok, mais le décor a changé : le rassemblement se déroule cette fois au pied de grands panneaux qui protègent les immeubles incendiés quatre mois plus tôt. Comme le décor, l’ambiance est aussi assez différente, plus chargée d’émotions et moins bon enfant : l’affichage en plusieurs endroits des photos de victimes de la répression du 19 mai dernier y est sans doute pour quelque chose.

Un hommage aux militants morts le 19 mai

Un peu partout aux alentours du carrefour de Radjprasong, des petits autels ont été érigés a la mémoire des manifestant tués il y a tout juste quatre mois pendant la journée du 19 mai. 89 personnes étaient alors décédées, et au moins 1900 autres blessées a la suite des affrontements qui avaient suivi l’intervention de l’armée pour évacuer les manifestants.

Un petit air de deja vu dans le centre de Bangkok : le carrefour de Radjprasong aux couleurs des pro Thaksin

Près de 4 mois après la répression, de nombreux membres des chemises rouges sont toujours détenus dans les prisons à travers le pays. Le nombre exact des détenus, ainsi que leur nom, n’est pas connu. Le chiffre officiel révélé par le secrétaire du ministre de la Justice est de 209.

Selon l’administration pénitentiaire, 169 cas sont en cours d’enquête, 12 ont été condamné, 2 sont détenus en lieu et place des amendes, et 26 sont en appel.

Bangkok reste sous  état d’urgence depuis plusieurs mois, une mesure imposée avec les manifestations anti-gouvernementales qui avaient paralysé une grande partie du quartier central des affaires en avril et mai dernier.

Une majorité de thaïlandais reste favorable au maintien de l’état d’urgence

abhisit affiche
Une affiche de l'actuel Premier Ministre Abhisit Vejjajiva avec la legende - Assassin-

Selon un sondage d’opinion rendu public dimanche, 58,5% des personnes interrogées se prononcent contre  l’annulation de l’état d’urgence et seulement 18,9% des répondants estiment que le décret doit être levé. La sécurité à Bangkok a été renforcée cette semaine suite à deux attentats à la bombe, non revendiqués.

Les autorités thaïlandaises ont aussi mis en place un centre chargé de surveiller les activités du Front uni pour les actitivtes des “chemises rouges”, selon le porte-parole du Centre pour la résolution de la situation d’urgence (CRES), le colonel Sansern Kaewkamnerd. Le centre, sera dirigé par l’actuel chef de l’armée Anupong Paojinda, et charge de surveiller la situation dans les sept provinces qui se trouvent toujours en état d’urgence.

Les manifestations du 19 septembre sont en même temps un rappel du quatrième anniversaire du coup d’État qui a renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra en 2006.

Le coup d’État du 19 septembre 2006 était censé mettre fin à des mois d’agitation politique et rétablir la stabilité en la Thaïlande, mais quatre années plus tard le royaume est aussi divisé et instable que jamais. Les militaires qui avaient renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra ont été dans un premier temps, accueillis avec soulagement par de nombreux Thaïlandais, en particulier ceux qui manifestaient contre les abus de pouvoir de l’administration de Thaksin.

Mais après quatre années de crise politique, la Thaïlande est enfermée dans un cycle sans fin de protestations et de contre- manifestations, qui a aussi un prix pour tous les Thaïlandais, quelques soient la couleur de leurs chemises.

Olivier Languepin