L’histoire est banale, tant elle est courante dans le nord de la Thaïlande, dans la région de « Mae Fah Luang » , du nom d’une fondation royale portant le nom de la mère du roi : « mère du ciel » !

Les fondations royales sont très nombreuses dans cette partie de la Thaïlande qu’on appelle toujours le « Triangle d’Or », la région de toutes les drogues : méthamphétamines, amphétamines, héroïne).

“yaa baa” la drogue qui rend fou

C’est une région d’intense trafic de drogues de synthèse fabriquées de l’autre côté de la frontière, en Birmanie. Appelée « yaa baa » en Thaïlande « médecine de la folie ».

Drogue consommée par toutes les couches de la société thaïe parce que : coupe-faim, anesthésiant, anti-douleur, elle permet ainsi de travailler de longues heures sans ressentir la fatigue (certains patrons paieraient directement et en partie, leurs ouvriers en yaa baa). Avec la yaa baa, les conducteurs de bus prennent plus de rotations ou tiennent le coup pour faire leur 12 heures de trajet non-stop.

Les full-mooners dans les îles du sud en consomment pour pouvoir danser et se saouler toute la nuit. Certains étudiants en absorbent les nuits précédant les examens (ben oui faut bien réviser un peu quand on fait la fête toutes les nuits… mes oreilles le confirment) La yaa baa est donc une drogue multi usage.

Une drogue qui rend fou ceux qui la prennent, mais une drogue qui détruit la vie de ceux qui la transportent.

Une histoire banale

L’histoire d’aujourd’hui, racontée dans le quotidien Bangkok Post, est donc une histoire banale, celle d’une adolescente de 14 ans appartenant à un groupe ethnique des montagnes et ne possédant pas la nationalité thaïe.

La mère de l’adolescente aînée de 4 enfants est en prison pour trafic de drogue. En fait, elle s’est dénoncée à la place de son mari. Savait-elle qu’il était fragile et ne supporterait pas la prison ?

En tout cas, lui a repris le trafic (une petite mule parmi les milliers utilisées par les vrais dealers). Il s’est fait pincer, a été mis en prison où il vient de se suicider.

L’adolescente a dû quitter l’école pour travailler (elle coupe du bois et ramasse des feuilles de thé dans la montagne pour 50/60 bahts par jour, 1,8 euros, alors que le salaire minimum pour les Thaïs est de 300 bahts/jour, 8 euros environ).

Elle a emménagé avec ses frères et sœurs chez une tante qui ne travaille pas et héberge déjà 5 personnes dans une seule pièce.

Sans la nationalité thaïe, pas d’aide de l’état. Mais la justice, elle se fout de savoir si vous êtes nationale ou pas, elle emprisonne les petits passeurs, avec photo à l’appui dans les journaux pour montrer combien la police est efficace.

Des enseignants ont pris en charge des dizaines d’enfants dans la même situation que cette adolescente. Les enfants sont des proies pour les passeurs, car ils n’ont souvent pas d’autre choix pour survivre. Certains 12/14 ans sont déjà testés positifs à la drogue.

Le chef du district a déclaré cette région du nord, zone hautement dangereuse, car pas moins de 21 routes permettant le passage de la drogue.

L’histoire de cette adolescente n’est qu’une histoire parmi beaucoup d’autres. Le nord de la Thaïlande est le centre du trafic en provenance de l’état Shan de Birmanie. La drogue transite par les provinces de Chiang Mai et Chiang Rai pour se répandre ensuite dans tout le pays, pour enfin, atteindre l’Europe et les US.

Mon compagnon a été à une époque, en poste le long de cette frontière, il m’a raconté, comment agissaient les passeurs (drogue dans des petits sachets plastique accrochés à certains arbres de la jungle, coups de tel aux petites mules pour prendre en charge le paquet pour le porter ensuite à un autre endroit, pour qu’une autre mule s’en charge.

Les enfants sont souvent utilisés car peu soupçonnés. Lire mon roman « Là où s’arrêtent les frontières » (édition de la Frémillerie ou sur Amazon.fr)

Les officiels côté birman sont grassement payés pour fermer les yeux sur le trafic. Ici, côté thaï, on « choppe » les petites mules et on les met en prison, mais au bout de la chaîne, les gros trafiquants, les chefs de gangs, eux, sont libérés sous caution et continuent de se balader en Lamborghini ou en Porsche.

C’était une carte postale de la Thaïlande, depuis les montagnes du nord.