Les personnes transgenres sont plutôt bien intégrées socialement en Thaïlande : on peut souvent apercevoir des “katoeys” derrière une caisse de supermarché ou dans les métiers de la restauration.

Mais cela n’empêche pas les stéréotypes et la dérision : c’est notamment le cas chaque année lors du tirage au sort des conscrits.

Chaque année au mois d’avril se déroule la conscription militaire. Tous les jeunes thaïlandais âgés de 21 ans sont appelés à participer à ce tirage au sort. S’ils piochent le ticket noir, ils rentrent chez eux, s’il est rouge, ils doivent effectuer un service militaire  qui dure  au moins deux ans.

Cet événement national bénéficie d’une large couverture médiatique de la part des journalistes thaïlandais. Cependant, le tirage devient beaucoup plus amusant pour les médias lorsque les femmes transgenres viennent à leur tour tirer le fameux ticket.

La conscription en Thaïlande : une épreuve humiliante pour les transgenres
La conscription en Thaïlande : une épreuve humiliante pour les transgenres. Photo : The Nation

Les stéréotypes font les gros titres

Les journaux titrent sur des transgenres « plus mignonne que des « femmes réelles » », « des garçons qui ressemblent à des anges », « de beaux ladyboys ». Elles sont toujours décrites comme émotives et amusantes.

Les clichés de ces femmes transgenres dans leur longue robe tape-à-l’œil au visage surmaquillé s’arrachent.

Ronnapoom Samakkeekarom, président de l’Alliance des transgenres thaïlandais et professeur à l’Université Thammasat dit, chaque année, recevoir un flot d’appels téléphoniques.

Les jeunes transidentitaires s’inquiètent de la menace de l’enrôlement et cherchent des conseils pour éviter l’exposition médiatique.

L’universitaire reçoit aussi de nombreuses plaintes concernant des moqueries et des propos humiliants diffusés dans les journaux. Certains vont même jusqu’à publier l’histoire de la personne et des photos sans son autorisation, alors même que la famille n’est pas toujours au courant de son identité de genre.

Des ladyboys pour faire du chiffre

Le journaliste Sirote Klampaiboon explique au Bangkok Post que « les médias devraient les représenter juste comme elles sont, pas comment ils veulent qu’elles soient pour vendre leur histoire ».

La compétition médiatique est un argument fréquemment employé par les journalistes.

« J’utilise habituellement n’importe quelle histoire qui me garantit une audience et celles concernant des ladyboys sont toujours parmi les plus regardées »

se défend Sak, un journaliste qui couvre la conscription depuis de nombreuses années.

Une incompréhension des enjeux

Ce dernier considère que si les femmes transgenres s’habillent de façon aussi féminine à cette occasion, c’est qu’elles « demandent de l’attention et c’est ce qu’elles ont. »

Sirote réagit en expliquant que peu importe comment elles s’habillent au quotidien, ce jour-là « elles doivent être sûres qu’elles éviteront d’être enrôlées en exhibant leur féminité. ».

May, qui participe au recrutement, témoigne :

« Je veux que les officiers militaires voient clairement que je ne suis pas compétente pour rejoindre l’armée. Je sais que je vais être moquée, je sais que les gens vont poster des photos de moi sur les réseaux sociaux. Mais je dois vivre cette honte, juste un jour [pour éviter l’armée]. »

« Il est temps d’arrêter de traiter ces personnes comme une blague »

Ronnapoom Samakkeekarom, président de l’Alliance des transgenres thaïlandais a réalisé une enquête sur la représentation médiatique des femmes transgenres durant la période de la conscription militaire.

Il a collecté des articles et des images télévisées issus de 72 médias. Trois abordent les difficultés auxquelles sont confrontées ces personnes lors de l’enrôlement. Les 69 autres reflètent l’obsession des journalistes pour les jeunes recrues transidentitaires.

Le 29 mars, Ronnapoom a présenté sa recherche lors de discussions entre des membres des médias, du gouvernement, et de la communauté LGBT, à Bangkok.  Le chercheur a martelé qu’« il [était] temps d’arrêter de traiter les gens comme une blague ».

Cette rencontre a permis de dicter des directives visant à stopper les stéréotypes, les moqueries et autres propos dégradants à l’approche de la conscription.

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