En Occident, nous pensons que être honnête est une attitude assez facile à définir : dire les choses comme elles sont, ne pas cacher quelque chose, dire la vérité, bref ne pas mentir.
Le mensonge dans la culture occidentale a une connotation très négative, mais pour d’autres ce n’est pas forcément la même interprétation qui prévaut : un mensonge peut être “relativement positif”, c’est à dire préférable à la réalité si celle-ci est trop embarrassante.
C’est une attitude que résume le mot kreng-jai (เกรงใจ) en thaï qui est absolument intraduisible de manière directe.
Kreng (เกรง) signifie peur, dans le sens d’appréhension, et Jai (ใจ) signifie littéralement cœur en thaï, mais est en fait fréquemment utilisé pour désigner l’âme ou l’esprit de la personne (comprendre se dit par exemple KaoJai (เข้าใจ), ce qui veut dire littéralement entrer dans le cœur…).
En anglais Krengjai souvent traduit par “thoughtful” ou “to be considerate” ce qui revient à dire en français “être attentionné”.
En vérité kreng-jai (เกรงใจ) n’a pas vraiment d’équivalent en langue française puisqu’on pourrait dire qu’il s’agit plutôt de ne pas mettre l’autre personne dans une situation embarrassante ou gênante.
De fait pour un Thaïlandais, il peut être préférable de ne pas dire la vérité, ou seulement une partie, pour ne pas faire perdre la face à son interlocuteur.
Les Thaïlandais ont une relation différente avec la «vérité»
Nous pouvons l’appeler mensonge, mais pour les Thaïlandais c’est plus un sentiment d’avoir une attitude sociale harmonieuse et d’éviter les conflits.
Le modèle social occidental met souvent la vérité au-dessus des toutes les autres considérations, quitte à être incommodé ou mis dans une position inconfortable en disant la vérité.
Mentir est généralement considéré comme totalement inacceptable pour nous, et la vérité est considérée comme un principe sacro-saint, alors qu’en Thaïlande, sauver la face peut être plus important que de dire la vérité.
Le but de cet article n’est pas de savoir qui a tort ou raison, mais essayer de comprendre comment les concepts que nous tenons pour acquis, comme la vérité, peuvent être interprétés de façons très différentes dans d’autres cultures.
D’abord sauver la face
La première chose à comprendre est le concept de «sauver la face» qui est extrêmement important en Thaïlande.
Cela signifie que tout ce qui peut amener une personne à être exposée, mise dans une position inconfortable, être surprise en flagrant délit de mensonge, avoir l’air stupide, ou ignorante, risque de faire perdre la face, et doit être évité par tous les moyens.
Un exemple pratique : vous demandez à quelqu’un votre chemin, mais il ou elle ne sait pas où vous allez.
Plutôt que de l’admettre, certains vont vous envoyer n’importe où juste pour éviter l’inconfort de reconnaître qu’ils ne savent pas.
Mais dans leur esprit, ils ne font rien de mal parce que le principe numéro un est de sauver la face.
Dans ce cas précis, même si vous savez que votre interlocuteur vous raconte n’importe quoi, la bonne façon d’agir est de faire semblant que vous la croyez, remercier la personne, et aller demander à quelqu’un d’autre.
Un autre exemple courant est l’accident. Il vous sera très difficile de faire admettre a un Thaïlandais qu’il est dans son tort, et c’est pour cette raison que les assureurs se déplacent souvent pour constater les faits et négocier avec tact les responsabilités.
“Mentir” peut être préférable en société
Vous venez de découvrir qu’un ami ou un partenaire commercial vous a menti. Plutôt que de vous fâcher et de le confronter à son mensonge, vous devez essayer de comprendre que dans l’esprit des Thaïlandais, la “mauvaise attitude” est en fait de vous dire quelque chose qui vous rend mal à l’aise, ou quelque chose de négatif qui pourrait vous compromettre d’une certaine façon.
Un mensonge qui sonne bien socialement est souvent mieux accepté que la vérité qui blesse alors que les “farangs” choisissent généralement la vérité, même si ça fait mal.
En Thaïlande, les gens vont préférer choisir le “krengjai” plutôt que la vérité. Si la vérité fait mal, alors elle ne sera pas dite ouvertement.
Si dans un groupe de Thaïs quelqu’un dit quelque chose qui est clairement un mensonge, mais qui est “krengjai”, dans l’intérêt de l’harmonie du groupe, alors tout le monde prétendra que c’est la vérité.
Un pieux mensonge, plutôt que la sacro-sainte vérité
Pour un occidental il peut être assez frustrant, voire même insupportable de ne pas pouvoir exposer la vérité ouvertement, quitte à froisser quelques susceptibilités si c’est nécessaire.
Mais si vous décidez d’ignorer l’attitude “krengjai” et que vous insistez pour imposer la version occidentale de «la vérité », les gens vont toujours être poli avec vous et vous sourire, mais ils vont totalement vous exclure et cela ne vous mènera nulle part.
En Thaïlande, vous devez mettre votre propre notion de vérité de côté dans une certaine mesure, et comprendre que ce que vous considérez comme un mensonge, les Thaïlandais considèrent cela comme un comportement social approprié.
Une fois que vous vous habituez à ce concept, vous trouverez qu’il y a deux aspects de la vérité “krengjai”.
Le côté négatif qui s’avère compliqué pour les Occidentaux, parce qu’ils ne peuvent jamais avoir une approche simple et directe dans les relations avec les autres, y compris en affaire.
Le côté positif, qui fait qu’il est en général très agréable d’éviter la confrontation directe, de ne pas à avoir à encaisser des attitudes trop émotionnelles ou agressives, comme en France.
Les Thaïs remplacent tout ça avec le fameux sourire thaï et avec l’attitude “krengjai”. Si vous pouvez, faites comme eux : quand quelque chose se passe mal, souriez et passer votre chemin sans essayer de savoir qui a raison ou qui a tort.
Cela vous aidera à rendre votre séjour en Thaïlande beaucoup plus plaisant et agréable.