La Thaïlande a commencé l’année sur un bien triste bilan: 60 personnes sont mortes dans l’incendie d’une boite de nuit d’Ekkamai à Bangkok, et plusieurs dizaines sont encore dans un état grave. 2009 ne pouvait guère plus mal débuter, alors que l’image de la Thaïlande a déjà beaucoup souffert dans les médias avec les mois de manifestations politiques, suivis de la fermeture de l’aéroport.

La tragédie du Santika, un club réputé parmi les nombreux établissements du quartier d’Ekkamai n’est malheureusement pas la seule tragédie du jour de l’an en 2009: beaucoup plus classique et sans doute moins spectaculaire est le bilan des accidents de la route pendant le week end du nouvel an: 226 morts et 2500 blessés, avec une majorité d’accidents dus à l’alcoolémie. Un chiffre comparable avec celui de l’année précédente.

L’incendie du Santika marquera certainement plus les esprits qu’une série de banals accidents de la route, mais le rapport entre ces deux fait divers est facile à faire: l’application de la loi, et des règlements élémentaires de sécurité,  n’est en général peu respecté en Thaïlande. C’est la “mai pen rai” attitude qui prévaut généralement, et qui rend parfois la vie bien moins compliquée que dans un pays d’Europe. Que ceux qui n’ont jamais sauté sur un moto taxi sans casque, pour arriver à l’heure à un rendez vous osent me contredire. Le problème avec cette attitude, disons probabiliste (les accidents n’arrivent qu’aux autres), c’est qu’elle débouche parfois sur des drames évitables.

Le club Santika, une discothèque renommée du quartier Ekkamai à Bangkok.

Avoir des issues de secours dans une discothèque n’empêche pas de s’amuser, et n’a jamais provoqué la faillite d’un patron de boite. Ironiquement le Santika fêtait non seulement la nouvelle année, mais aussi sa fermeture, suite à de multiples problèmes administratifs et judiciaires.

Voilà peut être un défi pour la Thaïlande en 2009: clarifier la limite entre ce qui est interdit, toléré, permis sous certaines conditions, et autorisé. Si la Thaïlande ne prend pas la peine de s’assurer que des conditions minimales de sécurité existent pour ses ressortissants et pour ses touristes, elle aura beaucoup de mal récupérer son image de marque de pays du sourire, relativement sur, ou tout est facile est bon marché. L’année dernière je suis parti en Malaisie pour les vacances de Songkran, et sur le bateau qui nous emmenait sur l’ile ou se trouvait notre hôtel, on m’a proposé des gilets de sauvetage pour moi, ma femme et pour mon enfant: ça ne m’est jamais arrivé en Thaïlande.

En ce qui concerne la tragédie du Santika, il existe un précédent dans le domaine industriel, qui avait à l’époque provoqué de vive réactions en Thaïlande. En 1993, on dénombra 188 morts et 460 blessés dans l’incendie qui ravagea l’usine de jouets Kader, dans la banlieue de Bangkok.  Cette tragédie, souleva une émotion considérable. Le fait que le personnel – pour l’essentiel des jeunes femmes originaires de zones rurales pauvres – se trouva littéralement pris au piège ajouta encore à l’horreur de ce sinistre. Les trois bâtiments qui abritaient des centaines d’ouvriers ne possédaient pas le moindre dispositif de sécurité – ni extincteur, ni système d’alarme, ni système d’aspersion, ni sortie de secours.

Le premier ministre de l’époque, Chuan Leekpai s’était rendu sur les lieux, tout comme Abhisit s’est rendu auprès des victimes de l’incendie du Santika, et avait promis des mesures législatives plus strictes pour assurer la sécurité des lieux de travail.

Mais le système juridique thaïlandais a rendu son verdict sur l’incendie Kader en 2003, en désignant comme bouc émissaire un employé qui aurait causé l’incendie avec une cigarette. Un tribunal de Nakhom Pathom l’a condamné à 10 ans de prison, mais a acquitté les 14 cadres de l’usine, y compris le directeur de l’usine. La seule reconnaissance juridique de la culpabilité de la société Kader qui fabriquait les jouets pour l’exportation a été une amende de 520.000 baht (11000 euros).

Qu’en sera t-il des responsables du Santika ? Un quotidien thailandais précise dans un de ses articles qu’ils pourraient avoir une amende car une des victimes décédées dans l’incendie n’avait que 17 ans et n’aurait pas du être autorisé à entrer. Si on en reste là, il est certain qu’il y aura d’autres Santika.

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