Chaque jour, 100 enfants perdent la vie en Asie de l’Est et dans le Pacifique, soit près de 38 000 morts par an. Face à la hausse alarmante des décès infantiles causés par la pollution de l’air dans cette région, l’UNICEF exhorte à une action immédiate et décisive.
L’organisation insiste sur l’importance de réduire les émissions nocives et d’améliorer la qualité de l’air, notamment dans les zones urbaines densément peuplées. Elle exhorte également les gouvernements à adopter des politiques environnementales plus strictes et à sensibiliser les populations aux dangers de la pollution pour la santé des enfants.
Pour Chirawan Oranratmanee, une étudiante de 20 ans originaire de Chiang Mai, en Thaïlande, la pollution de l’air n’est pas une simple préoccupation environnementale lointaine, mais une réalité dévastatrice qui a bouleversé sa vie à jamais.
Sa mère, professeur d’université, autrefois en pleine santé, est décédée d’un cancer du poumon. Non pas à cause du tabac, mais en raison d’années d’exposition à des particules fines toxiques PM2.5. Ce qui n’était autrefois qu’un brouillard saisonnier à Chiang Mai est devenu une crise permanente, transformant le simple fait de respirer en un combat quotidien.
À travers la Thaïlande, l’Asie de l’Est et la région du Pacifique, l’aggravation de la pollution atmosphérique ne se contente pas d’étouffer les villes : elle a des conséquences dramatiques sur la santé publique.
38 000 morts par an
Parmi les menaces les plus graves et pourtant trop souvent négligées, la pollution de l’air pèse lourdement sur la santé des enfants. On estime qu’elle est responsable d’environ 100 décès d’enfants chaque jour dans la région, soit près de 38 000 par an. Un quart des décès infantiles y sont liés, en faisant la deuxième cause de mortalité chez les moins de cinq ans, juste après la malnutrition.
Lors d’une conférence de presse à Bangkok, le 6 février 2025, l’UNICEF a révélé des chiffres alarmants sur l’impact de cette pollution toxique, mettant en garde contre ses effets dévastateurs sur des millions d’enfants. L’organisation appelle à une action immédiate et collective pour protéger leur santé et leur avenir.
Une situation critique en Thaïlande
Alors que Bangkok fait face à une grave crise de pollution de l’air, plus de 350 écoles ont été contraintes de fermer leurs portes. Récemment classée comme la huitième ville la plus polluée au monde, la capitale thaïlandaise a mis en place des restrictions de circulation dans certaines zones et encouragé le télétravail. Pourtant, sur les 10 millions d’habitants que compte la ville, seuls 100 000 se sont inscrits à ce programme.

Dans l’ensemble de l’Asie de l’Est, tous les enfants – soit 500 millions d’individus – grandissent dans des pays où la pollution de l’air atteint des niveaux dangereux pour la santé.
Plus de 325 millions d’entre eux vivent dans des régions où la concentration annuelle moyenne de particules fines PM2.5 dépasse cinq fois les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2020, 373 millions d’enfants répartis dans huit pays de la région ont été exposés à des niveaux de dioxyde d’azote (NO₂) supérieurs aux normes de l’OMS, tandis que 91 % des enfants d’Asie de l’Est et du Pacifique vivaient dans des pays où les pics saisonniers d’ozone dépassaient également ces recommandations.
Aucun pays d’Asie de l’Est ni du Pacifique ne respecte les normes mondiales relatives à une qualité de l’air saine.
Nick Rees, spécialiste du changement climatique
L’exposition prolongée à ces polluants peut entraîner des effets immédiats et à long terme sur la santé. Les corps en développement des enfants sont particulièrement vulnérables, avec des risques tels que des dommages pulmonaires, de l’asthme, des retards de développement, le cancer, voire la mort.
D’un point de vue économique, la pollution de l’air affecte l’éducation des enfants en entraînant des absences liées aux maladies et des fermetures d’écoles, et lorsque les parents doivent rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants malades, la productivité nationale chute.
Une étude récente menée en Mongolie a révélé une perte de 7,5 millions de dollars en raison des absences scolaires liées à la pollution de l’air. La pollution atmosphérique engendre également des coûts considérables, la Banque mondiale estimant que les décès et maladies liés aux particules fines PM2,5 ont représenté 9,3 % du PIB de la région en 2019, soit plus de 2,5 trillions de dollars.
La pollution de l’air met également en lumière les inégalités sociales, car les communautés vulnérables et à faibles revenus sont davantage exposées, vivant près des usines ou dans des zones à la qualité de l’air médiocre. Ces communautés manquent souvent des ressources nécessaires pour réduire leur exposition, comme des méthodes de cuisson et de chauffage plus saines ou des purificateurs d’air.
« En décembre, j’étais en Mongolie, à Oulan-Bator, la capitale. Il faisait extrêmement froid. Et beaucoup de foyers utilisent encore le charbon pour se chauffer. Un épais manteau de brouillard recouvrait la ville. Les niveaux de PM2.5 étaient dangereux. J’ai rencontré une petite fille là-bas, Naraa, dix ans. (…) La famille vit dans une maison traditionnelle, une yourte, et utilise un poêle à charbon pour se réchauffer pendant l’hiver. Ainsi, Naraa inhale des polluants dangereux pendant qu’elle dort, quand elle fait ses devoirs, et même lorsqu’elle prend son petit-déjeuner ou son dîner. Et quand elle quitte sa maison, car tout le quartier utilise également le charbon pour se chauffer, elle respire des polluants dangereux sur le chemin de l’école. Chaque hiver, elle tombe malade avec des infections respiratoires et parfois sa mère ne peut pas se permettre de l’emmener chez le médecin, car cela signifie perdre des revenus. »
Eliane Luthi, responsable de la communication régionale de l’UNICEF
À travers la Chine, la Thaïlande, le Myanmar, le Vietnam et la Mongolie, la combustion de ressources fossiles, de biomasse et de déchets agricoles est responsable de la moitié de la présence de particules, de dioxyde d’azote et d’ozone dans l’air. Bien que la pollution de l’air extérieur soit un problème de plus en plus préoccupant, la pollution intérieure est la principale cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans. En effet, 56 % des décès liés à la pollution de l’air chez les enfants de la région sont associés à la pollution intérieure, où la majorité de la population utilise des combustibles solides pour la cuisson et le chauffage.
L’appel à l’action de l’UNICEF
Les gouvernements de l’Asie de l’Est ont entrepris des démarches pour lutter contre la pollution de l’air. Le gouvernement chinois a mis en place des réglementations plus strictes pour les industries et les transports. Cela inclut le renforcement des normes d’émissions pour les usines et les centrales électriques, ainsi que la transition vers des sources d’énergie renouvelables, telles que l’éolien et le solaire, afin de réduire la dépendance au charbon.
La Chine a également concentré ses efforts sur le développement des transports publics, en particulier les bus électriques, pour limiter les émissions des véhicules privés. La Thaïlande a introduit des politiques de gestion de la qualité de l’air visant à réduire les émissions issues des pratiques agricoles, notamment en limitant les feux à ciel ouvert. Ces dernières semaines, des écoles ont été fermées à Bangkok et des recommandations ont été faites pour que les gens travaillent depuis chez eux, en raison des niveaux particulièrement élevés de PM2.5.
Face à des niveaux persistants de pollution de l’air, tant extérieure qu’intérieure, l’UNICEF a lancé un appel urgent à l’action, exhortant les gouvernements, les entreprises, le secteur de la santé, les parents et les éducateurs à agir immédiatement pour protéger les enfants.
Combattre ce « fléau invisible »
Pour combattre ce « fléau invisible », l’UNICEF appelle les gouvernements à donner l’exemple en appliquant des normes de qualité de l’air conformes aux recommandations de l’OMS et en mettant en place des politiques nationales concernant la combustion des énergies fossiles et de la biomasse. Les entreprises doivent veiller à ce que leurs pratiques et produits privilégient des options non polluantes pour réduire les émissions.
Le secteur de la santé, qui a déjà réalisé des progrès importants à ce sujet, doit continuer à œuvrer pour la détection et le traitement des maladies liées à la pollution, telles que la pneumonie ou la bronchite, même dans les zones les plus reculées. Les parents et les éducateurs, en tant que personnes responsables, doivent jouer un rôle clé dans la sensibilisation, en plaidant pour des environnements plus propres et en prenant des actions concrètes pour protéger les enfants des dangers de la pollution de l’air.
« Il s’agit d’une question urgente, mais qui reste encore invisible. Les médias ont un rôle crucial à jouer pour rendre ce tueur silencieux visible. »
Myo Zin-Nyunt, directeur régional adjoint de l’UNICEF
Les efforts de l’UNICEF pour combattre la pollution de l’air
L’UNICEF collabore avec les communautés d’Asie de l’Est et du Pacifique pour préserver la santé des enfants face à la pollution de l’air. À cette fin, l’organisation déploie des programmes visant à limiter leur exposition à la pollution intérieure, en favorisant des solutions comme l’amélioration de la ventilation des cheminées et l’adoption de systèmes de chauffage plus respectueux de l’environnement.
En Chine, l’UNICEF a introduit des dispositifs de ventilation pour cheminées, des ventilateurs et des purificateurs d’air pour réduire l’exposition aux polluants. En Mongolie, l’UNICEF soutient le programme Cooking, Heating and Insulation Products (CHIP), qui propose des solutions pour l’isolation, le chauffage et la ventilation des yourtes, réduisant ainsi la pollution intérieure causée par la combustion du charbon brut.
« Les jeunes possèdent un véritable pouvoir pour impulser le changement. Il est essentiel de leur fournir les preuves, les compétences et les connaissances indispensables, afin qu’ils puissent non seulement se protéger et soutenir leurs pairs, mais aussi exiger des transformations et incarner les agents de changement qu’ils sont capables de devenir. »
Eliane Luthi, responsable de la communication régionale de l’UNICEF
En Mongolie, l’UNICEF aide les jeunes à devenir des « champions de l’air sain » en leur fournissant des appareils de suivi de la qualité de l’air abordables pour collecter, analyser et partager des données. Ces jeunes militants travaillent activement à réduire l’exposition à la pollution de l’air et plaident pour des politiques efficaces, tant au niveau national que local. En Thaïlande, l’UNICEF collabore avec des étudiants comme Chirawan pour promouvoir l’éducation climatique et assurer leur participation aux discussions. L’UNICEF s’efforce également de connecter les jeunes aux processus décisionnels, en veillant à ce que leurs voix soient entendues dans les forums politiques et que les décideurs prennent en compte les besoins et les droits des enfants.