Le ralentissement de la croissance, la hausse de la dette publique et l’instabilité économique mondiale largement exacerbée par la menace de tarifs douaniers importants imposés par les États-Unis, ont conduit l’agence de notation Moody’s à abaisser sa perspective sur la note souveraine de la Thaïlande de « stable » à « négative ». 

Cette décision reflète les défis auxquels le pays est confronté : faible croissance post-pandémie, vulnérabilité structurelle, instabilité commerciale face aux États-Unis. La Banque de Thaïlande a réagi en abaissant son taux directeur dans l’espoir de relancer la croissance, même si l’impact sur les marchés financiers reste limité.

L’agence de notation Moody’s revoit ses prévisions

Le 29 avril, l’agence de notation Moody’s a réévalué ses perspectives concernant la note souveraine de crédit de la Thaïlande. La perspective est ainsi passée de « stable » à « négative », signalant un risque accru de dégradation de la note de crédit du pays.

La Banque centrale de Thaïlande a annoncé revoir ses prévisions de croissance à la baisse, passant de 2,9 % en octobre dernier, à 2 % aujourd’hui. 

La faiblesse de cette croissance pèse également sur les finances publiques, la dette du pays étant déjà passée de 34 % du PIB en 2019 à 64,2 % actuellement.

La décision de l’agence s’explique donc par la faiblesse des prévisions de croissance et l’augmentation de la dette publique et privée.

Malgré les prévisions négatives de l’agence, la note du crédit de la Thaïlande n’a pas été dégradée, elle conserve son Baa1 grâce à des institutions solides, une politique monétaire et macroéconomique efficace ainsi qu’une dette publique quasi-totalement détenue en monnaie locale. 

En mars 2025, les réserves de change de la Thaïlande atteignaient 215 milliards de dollars, ce qui correspond à environ sept mois d’importations. Cela offre une protection significative contre les chocs externes. Selon Moody’s, l’indicateur de vulnérabilité extérieure du pays est estimé à environ 50 % pour 2025, reflétant une position de réserve solide par rapport à la dette extérieure, tant à court qu’à long terme.

La perspective des banques thaïlandaises également dégradée

Les banques thaïlandaises sont également concernées par l’abaissement de la perspective ; selon Moody’s, la dégradation de l’environnement macroéconomique pourrait fragiliser davantage le secteur bancaire thaïlandais, déjà affecté par une faible croissance des prêts depuis la pandémie de Covid-19.

Les sept banques concernées, Bangkok Bank, Krungthai Bank, Kasikornbank, Siam Commercial Bank, SCB X, TMBThanachart Bank, et Export-Import Bank of Thailand, pourraient voir leur note dégradée davantage si la note souveraine était amenée à évoluer, car elles dépendent d’un soutien gouvernemental dans leur évaluation.

Une économie déjà en difficulté  

La reprise économique post-covid a déjà été compliquée pour la Thaïlande. L’incertitude pèse également sur la situation budgétaire du pays et du gouvernement, considérablement affaibli depuis la pandémie. Le séisme qui a touché le Myanmar au mois de mars fragilise également le secteur du tourisme, ayant déjà du mal à atteindre les objectifs fixés par le ministère des Finances qui a récemment révisé ses prévisions à la baisse. 

L’impact des tarifs douaniers américains

Cette nouvelle prévision négative est également due à l’instabilité provoquée par les tensions commerciales et les fluctuations de droits de douane américains qui pourraient atteindre 36 % sur certaines exportations thaïlandaises.

Les tarifs annoncés auront un impact économique mondial et la Thaïlande ne pourra pas y échapper. Moody’s a indiqué que l’incertitude reste très forte concernant l’application effective des tarifs après la période de suspension de 90 jours annoncée récemment par l’administration Trump et qui se terminera en juillet. 

À court terme, la croissance des pays qui commercent et exportent vers les États-Unis sera nécessairement impactée par les droits de douane américains. Selon l’OCDE, la valeur ajoutée domestique des exportations thaïlandaises vers les États-Unis représentait environ 3 % du PIB en 2020 ; l’économie thaïlandaise est donc largement dépendante de ses exportations américaines. 

Le report des exportations chinoises redirigées vers les pays d’Asie pourrait également peser sur l’économie thaïlandaise et son industrie manufacturière. 

Les réactions en Thaïlande

La Thaïlande a déclaré le 20 avril que l’agence Moody’s a réagi trop tôt en dégradant sa perspective, soulignant le fait que les négociations commerciales avec les États-Unis ne sont pas encore achevées. Le gouvernement indique que l’économie reste en croissance et promet la mise en œuvre de mesures de relance économique pour soutenir cette croissance au deuxième semestre de 2025.

Le gouverneur de la Banque de Thaïlande, Sethaput Suthiwartnarueput, a également évoqué l’urgence de développer la résilience économique du pays, en innovant et en développant des infrastructures permettant le maintien de la stabilité financière, particulièrement face aux risques externes.

La Banque de Thaïlande abaisse son taux directeur

Le 30 avril, la Banque de Thaïlande a abaissé son taux directeur d’un quart de point, le portant à 1,75 %, son niveau le plus bas depuis deux ans. Cette baisse vise à stimuler l’économie en difficulté et intervient le lendemain de l’annonce de Moody’s. D’autres mesures de relance sont également attendues. 

Les analystes du centre de recherche de Siam Commercial Bank s’attendent à ce que le taux directeur de la banque centrale chute jusqu’à 1,25 %, voire 1 % d’ici la fin de l’année, selon le centre de recherche de CIMB Thai Bank. 

Un impact limité sur les marchés financiers

Le directeur du Bureau de gestion de la dette publique (PDMO), Patchara Anuntasilpa estime que l’annonce de Moody’s devrait avoir un impact limité sur les marchés financiers. Aucun mouvement de vente massive d’obligations d’État n’a été constaté suite à l’annonce du 29 avril et la Thaïlande a émis pour 7 milliards de bahts d’obligations à 50 ans, avec une demande deux fois supérieure à l’offre, permettant un taux d’intérêt inférieur au marché pour le pays. 

La révision du taux de croissance à la baisse pourrait cependant peser sur les finances publiques et compromettre les objectifs de réduction du déficit. La dette pourrait ainsi s’élever à 70% du PIB d’ici 2027. 

Moody’s note également que malgré la bonne position financière extérieure de la Thaïlande et des institutions solides, sa croissance post-pandémie reste inférieure aux pays disposant de la même note.

Moody’s souligne que les facteurs environnementaux et sociaux posent des défis à long terme. Le vieillissement de la population en Thaïlande, les risques environnementaux et l’endettement élevé des ménages restent des menaces importantes en l’absence de réformes structurelles indispensables.

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